MAORO à sec de sel et ..... (Juin 2010)

L'Igname, symbole de vie en Nouvelle Calédonie,




Mardi 1er juin, nous quittons Port Moselle pour une navigation de 7 milles afin de nous rendre à la baie de Numbo où se trouve le chantier qui sortira Maoro. Quitter le ponton est extrêmement difficile la coque et l’hélice sont recouvertes de corail et de coquillages, nous ne faisons pas plus d’1,5 nœuds, Maoro peine. Il nous faudra 4 heures pour arriver et nous mouillons en face du chantier pour attendre la marée haute demain matin. Cette petite navigation m’a parue bonne, depuis le temps. Le coin est joli et quitter Nouméa et sa poussière nous fait du bien.





Il pleut des cordes lorsque nous accostons devant la grue et toutes les manœuvres se feront sous une pluie diluvienne.






Karcher et grattage pour commencer, ça pue et nous attire les mouches et dès la tombée de la nuit nous avons droit aux moustiques, un régal. Un peu plus tard nous allons re gruter afin de retirer les dérives et le safran.




Voilà les travaux commencent avec une surprise de taille : de l’osmose sur la coque. Avec un capitaine aussi perfectionniste et pointilleux, la coque va donc être poncée complètement de toutes les couches de résine qu’elle avait eue il n’y a que 4 ans. Il avait constaté également des infiltrations d’eau dans la quille. Est-ce cela qui aura provoqué l’osmose ? Yves a donc effectué des trous un peu partout, pour libérer cette eau, ensuite il compte refaire toute l’étanchéité des fonds. Cela veut dire tout casser, sortir le moteur et quoi encore ? Je ne vais pas tarder à le voir. Pendant tout ça, la vie à bord devient pour moi, la chasse à la poussière de fibre de verre qui s’infiltre partout. Actuellement tout se passe à l’extérieur, je suis enfermée à l’intérieur. Que va-t-il se passer lorsqu’il fera l’intérieur ? Alors pendant ce temps je lis beaucoup et j’ai envie de vous faire partager ce que je viens de découvrir, à savoir l’importance de ce petit, enfin pas toujours si petit, légume qu’est l’Igname.

Tubercule sacré qui rythme le calendrier traditionnel et coutumier, il est le symbole de la vie. Et si elle permet de renouer les alliances, de prédire les grandes tendances de l’année à venir et d’assurer la fierté des clans, elle attise aussi bien des convoitises……………
La cérémonie des prémices, qui annonce la sortie de terre de l’igname, marque le début de la nouvelle année coutumière. Symbole de la vie, considérée comme un être humain, l’igname représente le sexe masculin dans la croyance Kanak. Chaque famille procède à sa culture sur deux champs distincts. Les récoltes du premier sont réservées à la coutume, et celles du deuxième remplissent un rôle de garde-manger pour le clan. Mais si l’igname assure le lien et le partage, elle suscite aussi nombre de jalousies et de convoitises, poussant à la rivalité et à la méfiance. Car, par sa portée métaphorique, elle assure la fierté du clan qui offre la plus saine et la plus belle au chef. Et autant dire que le challenge est capital, ce qui engendre parfois des pratiques très concurrentielles. Entre janvier et février, selon les régions, les femmes préparent les nouveaux plants destinés au champ coutumier. Pendant trois mois ces ignames mères sont stokées dans un grenier spécial. L’un des membres du clan passera toutes ses nuits à les surveiller, afin que personne ne vienne les lui voler. Les terres laissées au repos, attendent le mois de mai, où commence l’étape de la préparation des champs, sur lesquels il est interdit de faire de la fumée et que l’on doit débroussailler à la main. En juin, la primauté de la mise en terre dans la parcelle sacrée reste le privilège du chef. Tout de suite après, il déclare la fermeture du panier, donnant ainsi l’autorisation aux clans de commencer à planter. Les femmes sortent et préparent les plants pour les hommes, qui les emporteront pour les mettre en terre secrètement, à l’abri des regards indiscrets. La tête du tubercule, d’où sortira la tige, s’orientera toujours vers le soleil levant, générateur de vie. Autour du champ se dresse une protection symbolique, et une foi que le terrain est planté, il devient « tabou », lire (formellement interdit). Certains vont jusqu’à dresser des palissades en feuilles de cocotier pour que personne ne puisse regarder, car de mauvais yeux pourraient jeter un sort sur les ignames. Une foi la mise en terre effectuée, le champ lui-même à un sens et une orientation. Sa tête se trouve en direction de la montagne et ses pieds vers la mer. Les premières ignames- chef, qui se situent à la tête, seront sorties de terre avant les autres. Au pieds du champ, on plante un arbre symbolique (bois de fer, bois tabou ou gaïac). Et sur ses branches, des morceaux de tissus sont accrochés. A ses pieds se dresse un petit muret d’une vingtaine de centimètres de haut, à l’intérieur duquel sont déposées des pierres sacrées du soleil et de la pluie, recouverte de terre. Cet arbre tabou, entouré de plantes comme la cordyline et le coléus rouge, protège les champs. Jusqu’au mois de novembre, tous les jours, les hommes du clan apportent un soin particulier à cet endroit. Il doit rester propre, l’eau doit s’écouler régulièrement et aucune mauvaise herbe ne sera tolérée. Puis vient le moment où on « lâche » l’igname, ce qui signifie que plus personne ne s’en occupe. Elle continue de grandir seule, et aucun homme ne se rend sur le champ. Entre janvier et février, le détenteur du panier - celui qui possède les secrets de l’igname au sein de la tribu – sort le premier tubercule de terre, et il annonce que la cérémonie des prémices, qui durera deux jours, aura lieu dans une semaine. Lors de cette réunion, chaque clan amène ses plus belles productions, en suivant ses propres chemins coutumiers. (Ces chemins coutumiers sont bien représentés au centre culturel Tjibaou). Toutes rassemblées, les ignames font l’objet de multiples prédictions qui donneront les grandes tendances économiques, politiques et météorologiques de l’année à venir. Puis le détenteur du savoir des ignames les fait cuire toutes ensemble dans une grande marmite. En même temps que ces tubercules sacrées, les clans offrent des gibiers et des poissons qui détermineront la qualité de la saison de chasse et de pêche. Une foi la cuisson terminée, l’igname – qui ne doit jamais être tranchée avec une lame – sera brisée à la main ou avec une fourchette en petits morceaux. Avant de les manger les chefs y introduisent des herbes magiques qui protègent leur clan, leur offrant longévité, richesse et spiritualité. Le panier sacré est alors déclaré ouvert. Un grand marché entre les régions peut alors commencer. Puis le cycle du calendrier traditionnel reprend son cours, rythmé par la vie de l’igname.
Si pour Jacques Séguéla (publicitaire français), on a raté sa vie si l’on ne possède pas une Rolex à 40 ou 50 ans* (awa, que c’est crétin !), pour les Kanaks, il en est tout autrement. Autant dire, qu’en Calédonie ils n’ont pas les mêmes valeurs ! Car traditionnellement, celui qui n’a pas son champ d’ignames et qui ne cultive pas ses tubercules n’est même pas considéré comme un homme. Comment pourrait-il participer à la cérémonie des prémices lors de laquelle les clans se réunissent ? Ou les chefferies de tribus se rencontrent pour partager leurs savoirs et leurs techniques de culture, échanger les produits de la terre, de la mer et de la chasse, qui restent étroitement liés à la vie de l’igname. Assister aux rituels de la prédiction et de la cuisson des premières ignames, apportées par les différents clans. Alors qu’avec une Rolex tu vas échanger quoi ? Ben l’heure, mais ici ce n’est pas très important….. *il a reconnu par la suite avoir dit une immense connerie, ouf ! (Texte extrait, en partie seulement, d’un guide Calédonien)

Nouméa - Avril 2010

Eaux tropicales


Aller là ou le temps qui fait et le temps qui passe s’égalisent. Il n’y a que le doux mouvement de l’air pour faire miroiter la surface de l’eau. C’est dans l’île tropicale que l’eau chaude prend sa valeur miraculeuse. Réfugiée dans ma couchette, j’entends la mer clapoter de l’autre côté de la coque. Je sais qu’elle est là et son chant, seul, parvient à me faire quitter le livre ou le sommeil où je tentais de m’absorber. Magie des eaux chaudes qui invitent à nager libre, ondoyant comme une algue, elles permettent un instant de croire le corps soluble. C’est là que je préfère mouiller mes ancres pour découvrir, paupières mi- closes, main en visière au dessus des yeux, la frange de cocotiers qui se balancent dans le lointain. C’est une course vers les eaux tropicales, mais il faut se méfier de l’apparente douceur des îles.



Nostalgies……..

Le monde de la voile est essentiellement masculin. Seraient-ils partis sans nous les femmes ?

Je n’en suis pas sûre. On dit que 60 % des femmes s’accrochent au rêve de l’homme et suivent.
Nous prenons conscience un jour ou l’autre de l’extrême dépendance dans laquelle nous nous sommes fourrées. Sans aucune des compensations des anciennes activités personnelles. Quelques une s’y usent et repartent, car cette vie ne peut longtemps être « subie » ni amour, ni sens du devoir n’y résistent. Et puis nous ne sommes pas faites pour vivre sur l’eau, constamment en équilibre incertain, toujours à la recherche de stabilité. Il m’arrive parfois d’avoir des envies de coquetterie, elles sont vite refoulées en pensant au débarquement de l’annexe, mouillée en petite robe. Et les cheveux ? Faut-ils qu’ils soient courts ou les laisser s’emmêler au vent et les retrouver formant un bouchon dans les pompes de cale, un désastre pour le skipper.
Nous avons en mer un manque énorme de stimulants, cinéma, théâtre, revues et la chaleur n’incite pas à la réflexion intellectuelle. Le soir dans les cockpits on refait le monde, on se raconte les épopées de chacun, la route que nous ferons, les problèmes posés par l’entretien semi permanent de nos bateaux, toutes choses qui animent nos soirées. Nous avons tendance à nous regrouper par nationalité. Partout, même sans attirance, ni affinité particulière, nous nous identifions, reconnaissons nos codes ou notre jargon. J’apprécie ces contacts spontanés, peu conventionnels mais emprunts de courtoisie, dans lesquels n’interviennent jamais ni le milieu social, ni l’âge et encore moins le niveau de la caisse de bord.
Je participe comme tout le monde, à cette particularité des gens de mer, qui s’identifient par leur nom de bateau. On parle de Maoro, des Kerdonis ,de TamTam ou des Lazarina et on identifie le couple. On s’échange des livres en inscrivant toujours le nom du bateau et le lieu de l’échange et nous avons pu avoir entre les mains des livres qui avaient eux aussi, bien voyagés.
Il est très important dans cette vie de recevoir du courrier aux escales. En plus du bonheur de recevoir des nouvelles, qu’elles soient brèves ou longues missives, nous ne sommes pas oubliés, que malgré l’éloignement et les années, nous sommes en « correspondance » avec eux, les gens de terre. Non, nous ne sommes pas indifférents aux détails de vos vies. C’est vrai que de nos jours nous avons le virtuel, les mels ne remplacent pas la lettre en papier, il est rare de relire un mel, l’internet n’est pas accessible partout, par contre une carte postale ou une lettre, on la lit et la relit.
Les nostalgies faisaient parties du voyage et finalement lui donnaient du poids……

Chantal, le 3 avril 2010