Camping dans le nord

Jeudi 24 septembre de bon matin, accompagné par Sébastien et Audrey, nous voilà partis pour le nord de l’île, Koumac, sa 18 ème foire agricole et artisanale, et c’est aussi la fête du nord de l’île.
Nous allons faire la côte ouest pour remonter et comme nous avons 400 Kms à faire nous faisons une halte à Bourail, entre mer et montagne, dont le lagon dans cette région fait partie des zones du lagon Calédonien inscrits par l’UNESCO au classement du patrimoine mondial de l’humanité, nous y faisons l’avitaillement et ensuite nous nous rendons sur les hauteurs afin de découvrir son fameux " bonhomme " monolithe de pierre situé à l’embouchure de la rivière La Néra. Du belvédère nous découvrons une magnifique plage de sable blanc, qui est très souvent pleine de rouleaux qui en fait le rendez vous des surfeurs, ce jour là tout à fait calme. Face à nous la passe de Bourail et la baie des tortues, où il fera bon venir mouiller un de ces jours, cernée par une forêt de pins colonnaires, la baie compte parmi les plus belles de Nouvelle Calédonie, et c’est devant ce cadre magnifique que nous allons pique niquer à l’ombre d’un niaoulis.
La côte ouest est l’endroit des grandes plaines arides, de la savane, des collines et de ses chevaux stock, des cerfs et des cochons sauvages qui abondent, nous nous retrouvons dans un décor de films western avec les cow boys calédoniens. Sur les hautes montagnes nous voyons ce que le prélèvement du nickel laisse, une montagne écorchée et rouge.
Nous arrivons à Kaaïa-Gomen dans l’après midi, là nous attendent des amis de Sébastien, qui nous font la joie de nous accueillir dans leur tribu, nous prendrons la piste pour nous rendre dans leur famille, en pleine brousse et au bord d’une rivière. Les Calédoniens de brousse appelés aussi " Broussards " sont souvent caricaturés comme des cow boys qui vivent au rythme du soleil arpentant leur propriété à cheval et multipliant les coups de chasse de pêche ou de fête. La culture mélanésienne, ou Kanak est une culture ancestrale de tradition essentiellement orale. Toutes les croyances et légendes sont transmises par les anciens qui perpétuent ainsi les traditions et les coutumes. La coutume, ciment de l’organisation sociale particulière, où chacun participe à la vie de la tribu. Le personnage-clé de la vie familiale kanak est l’oncle maternel, appelé oncle utérin. Dans l’organisation, les sujets respectent le petit chef et le grand chef, en écoutant l’avis du conseil des anciens. La coutume et les règles de politesse sont encore bien vivantes en Brousse et dans les îles, elles imposent un certain nombre de convenances. A notre arrivée dans la tribu nous avons fait usage de " faire la coutume ", c'est-à-dire offrir au chef un petit cadeau en signe de respect. Les femmes sont habillées de robe mission, signe qui était en 1860 que la personne avait été baptisée, au fil du temps la robe a subi des modifications, elle est même devenue un signe identitaire car elle porte les couleurs de la tribu, elle s’appelle aussi popinée (nom qui désigne la femme kanak). Il nous est donné un endroit pour planter notre tente à proximité de leurs maisons ou si nous le souhaitons nous pouvons nous installés au bord de la rivière. Nous préférons rester auprès de leur maison après avoir rencontrer des chevaux sauvages au grand galop qui traversaient la rivière. Sommes nous sur une autre planète ? Avons-nous reculé dans le temps ? Notre tente de camping est un luxe pour les enfants qui me disent " elle est belle ta chambre ". Les repas se préparent au feu de bois et se composeront essentiellement de poulet, viande de cerf et pommes de terre cuites dans la cendre.


Nous, nous baignons dans la rivière, l’eau est plus agréable sans le sel, nous marchons sur la piste que les animaux laissent dans la montagne pensant que nous pourrons atteindre le sommet, mais chaussés de nos tongs nous devons faire demi-tour.



















Le soir il faut refaire le feu pour la cuisine, les femmes voyant mon incompétence m’installent des pierres sur lesquelles elles posent un trépied fait d’une barre de fer courbe sur lequel elle pose une cocotte en fonte qui a connu de nombreux feux de bois et me montre comment faire pour surveiller la cuisson sans me brûler. Elles me montreront aussi leur potager et c’est un régal d’y cueillir des haricots verts, des cives et un autre légume dont j’ai oublié le nom, il pousse sur un arbre qui peut être assez grand, il a des cosses comme des petit pois et c’est comme des petits pois aplatis qui sont à l’intérieur, l’épluchage est fastidieux mais les enfants me montrent la technique. Nous n’avons pas un morceau de beurre à mettre dans nos légumes, est-ce le mode de cuisson ? Tout le monde se régale, même les chiens qui en principe ne sont pas nourris afin de partir chasser un cerf ou autre animal qui se trouve aux environs du village, ils sont différents de nos toutous, eux vivent en meute avec un dominant qui laisse ses congénères manger avant lui, mais lui aura la tête de l’animal. La meute de chiens, seule, part chasser l’animal qu’ils ramènent à la rivière, là un homme de la tribu fini le travail en noyant la bête pour la tuer. Je suis surprise de voir que les chiens lorsque nous mangeons ne bougent pas, ils restent à l’écart n’aboient que rarement, sauf la nuit pour faire sortir les animaux sauvages qui s’aventurent trop près des hommes. J’ai entendu une nuit un cheval venir tout près de notre tente en me demandant s’il n’allait pas poser ses sabots dessus avec nous dedans, à ce moment les chiens devaient être ailleurs.


Samedi 26, nous allons à la fête de Koumac, c’est l’équivalent de nos comices agricoles en Bretagne. Nous assisterons à un rodéo, dégustation de génisse grillée et glaces feront de cette journée un excellent souvenir malgré la poussière environnante et la chaleur.




Pour notre dernier jour la tribu nous prépare un " bougna " plat traditionnel mélanésien confectionné par les femmes, préparé sous nos yeux ébahis. Le feu, préparé la veille par les hommes, consiste à trouver un joli coin tout près de la rivière sur du sable nous mettons de petites pierres et des plus grosses ensuite, ils installent le bois sur les pierres sur une hauteur d’un mètre environ. A l’aide du coupe- coupe, dont les kanaks ne se séparent jamais, ils vont couper de jeunes feuilles de bananier qu’ils passent sur le feu afin de les rendre souples. C’est fini pour aujourd’hui, demain dès le lever du soleil il faudra allumer le feu plusieurs heures pour que les pierres chauffent à blanc. Commence alors la préparation du bougna : dans les feuilles de bananier elles installent divers légumes, ignames, plusieurs sortes de taros dont certains sauvages, bananes et viande, lait de coco et épices terminent ce plat. Quelle application pour fermer ce joli paquet de feuilles. Ils confectionnent également un plat en feuilles tressées qui nous servira pour le transport. Quelques " cousins " d’une autre tribu sont venus se joindre à nous et profitent du feu pour se faire également un bougna. Seb, nous prépare un autre feu afin de cuire quelques brochettes de veau bien tendre qui nous ferons patienter jusqu’à la cuisson complète de notre bougna qui dure trois heures. Qu’il est plaisant de regarder ce monticule de sable d’abord, froid, puis ils enlèvent ce sable doucement, nous arrivons à la couche de feuille du tronc de bananier savamment déroulée, ensuite nous arrivons à la couche de feuilles de bananier et aux pierres brûlantes, pour découvrir enfin nos bougnas, jolis paniers de feuilles tressées, pas même brûlés par les pierres, je me demande où est la magie, là vous êtes envoûtés par les effluves qui vous arrivent aux narines. Ils ont même fabriqués des pinces, végétales elles aussi. Le bougna est déposé sur son plat tressé, là nous découvrons le miracle de cette technique de cuisson, des légumes et de la viande cuites à point et baignant dans une sauce délicieuse, le tout dans leur nid de feuilles (ce jour là nous avons utilisé un peu de papier aluminium pour gagner du temps de cuisson, ce qui ne se fait pas habituellement). Nous dégustons ce plat dans le silence avec comme seul bruit de fond, le chant des oiseaux et le ruissellement de la rivière, à l’ombre des arbres, je vous assure que ce fut un moment magique pour moi. Petite sieste, baignade dans la rivière et voilà le temps du retour sur Nouméa. Quatre jours que nous ne sommes pas prêt d’oublier, mais nous leur avons fait la promesse de revenir. Nous avons été reçu comme de la famille et pourtant ils nous demandent de prévenir à l’avance la prochaine foi, afin de mieux préparer l’accueil qu’ils nous ferons. Que nous réserve donc cette prochaine foi ?
De retour à bord de Maoro qui nous attendait sur son ponton de port Moselle, pour quelques jours encore, car nous irons au mouillage sur un corps mort dans la baie de l’orphelinat.
Demain, chacun reprendra ses occupations en attendant le week end prochain qui cette foi sortira Maoro et son équipage accompagnés d’autres bateaux pour une sortie à l’îlot Maître dans le lagon.
Lien avec l'album photos :